La Cour d’appel de Paris a, dans un arrêt du 24 février 2015, fait application de l’article L.254-1 du Code de la sécurité intérieure qui réprime notamment le fait d’utiliser des images d’un système de vidéoprotection à d’autres fins que celles pour lesquelles elles sont autorisées.
Dans cette affaire, le directeur d’un restaurant avait notamment déclaré un système de vidéosurveillance – installé dans un espace non ouvert au public du restaurant (cuisines, réserves, bureaux) – auprès de la Cnil. Le dispositif avait pour finalité « d’améliorer la sécurité, de dissuader toutes sortes de dégradations, et de disposer d’images en cas d’intrusion de toute personne non autorisée ».
Certaines caméras avaient également été installées « en terrasse et à l’entrée du restaurant, de la brasserie, du bar, de l’office, du sous-sol et de la cave ».
Dans le cadre d’un litige prud’homal opposant un salarié du restaurant à son employeur, ledit salarié ayant été licencié et arguant d’une absence de cause réelle et sérieuse, l’employeur avait fait état de photographies issues du système de surveillance de l’établissement. Ces photographies n’avaient finalement pas été produites lors de l’instance mais le restaurant et son directeur avaient tout de même été cités devant le Tribunal correctionnel pour avoir utilisé des images de vidéoprotection à d’autres fins que celles pour lesquelles elles sont autorisées, en application de l’article L.254-1 du Code de la sécurité intérieure relatif à la vidéoprotection.
Si le jugement de première instance avait relaxé l’employeur des fins de la poursuite, pour la Cour d’appel, les deux photographies incriminées étaient issues d’un système de vidéoprotection qui avait été « autorisé uniquement pour améliorer la sécurité de l’établissement, dissuader les tiers de se livrer à des dégradations et disposer d’images en cas d’intrusion de personnes non autorisées ». Or, en transmettant les photographies issues du système de vidéoprotection en vue de leur utilisation dans le cadre de l’instance prud’homale, le propriétaire du restaurant avait communiqué les images à des fins de surveillance de ses salariés, finalités qui n’étaient pas autorisées.
La Cour estime par ailleurs que la seule communication des images litigieuses suffit à caractériser l’infraction, peu important que lesdites images n’aient pas été produites et donc exploitées par le conseil des prud’hommes pour motiver sa décision.
En effet, l’article L.254-1 du Code de la sécurité intérieure réprime le seul fait d’utiliser des images à d’autres fins que celles pour lesquelles elles sont autorisées, cette infraction étant punie de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende (amende pouvant être portée au quintuple lorsque la personne déclarée responsable pénalement est une personne morale).
Le restaurant ainsi que son directeur sont donc déclarés coupables de détournement de la finalité d’un système de vidéoprotection (les juges d’appel les dispensant toutefois de peine).
Cet arrêt est l’occasion de rappeler qu’une distinction doit être effectuée entre les dispositifs dits de « vidéosurveillance » et ceux de « vidéoprotection ».
Céline Avignon
Alain Bensoussan
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