La voiture autonome marquera la fin de l’assurance actuelle mais ouvrira de nouvelles perspectives assurantielles.
Pour ceux qui posent encore un regard amusé sur la voiture autonome, l’avenir proche risque de les faire radicalement changer de point de vue.
En effet, les constructeurs impliqués dans le développement de ces voitures robots prédisent une mise en circulation « sécuritaire » dès 2020.
L’enjeu est crucial au regard des récentes politiques de sécurité routière visant à abaisser au maximum le nombre de décès sur les routes.
La nouvelle ligne de conduite sera très prochainement, grâce aux voitures autonomes, celle du « 0 décès ».
Le film semble passer en accéléré, la technologie allant de plus en plus vite et gagnant tous les jours en robustesse. Ce qui ressemblait à un film d’anticipation tant attendu par certains deviendra dès demain un élément de notre présent.
Comme à chaque fois qu’une nouvelle technologie vient brutalement bouleverser les acquis de chacun, se pose la question de son impact sur le marché. Le marché assurantiel n’échappe pas à cet effet.
Si de nombreux acteurs prédisent la fin de l’assurance du fait de la diminution causale du nombre de dommages, il n’en est rien.
En effet, la voiture autonome va faire apparaître de nouveaux marchés, marchés dont les assureurs auraient intérêt à s’emparer.
Néanmoins, et afin de bien comprendre les enjeux, il est nécessaire de circonscrire les fonctions de la voiture de demain.
Fonctions de la voiture autonome
La voiture autonome, voiture robot dotée de fonction d’apprentissage et de fonction cognitive, dépassera de loin la fonction de transport associée jusqu’ici à la voiture.
La voiture autonome est une voiture « classique » à laquelle sont intégrés des capteurs puissants, une intelligence artificielle, des algorithmes de prédiction et de calcul. Afin de pouvoir fonctionner efficacement, sa principale alimentation viendra des données.
La voiture autonome sera ainsi un réservoir de données ambulant sur lequel les principaux acteurs se livreront une guerre afin d’accéder à l’ensemble des données intégrées et produites par la voiture.
Réservoir de données, les voitures autonomes consommeront une grande quantité d’énergie afin d’alimenter les puissants logiciels qui lui permettront de faire fonctionner la voiture en autonomie totale.
La voiture autonome sera ainsi également un accumulateur d’énergie mobile.
Enfin, la délégation totale de conduite du conducteur vers la voiture laissera ouvert le champ libre à de nouvelles activités pour son conducteur (travail, divertissement, détente).
La voiture autonome sera ainsi en dernier lieu une salle polyvalente nomade au sein de laquelle le conducteur, pendant la durée d’utilisation de la voiture, disposera de fonctionnalités équivalentes à celle de son domicile privé.
Nouveaux marchés associés
Dotées de capteurs, de data et d’intelligence artificielle, le premier marché associé à la voiture autonome sera celui de la responsabilité en cas de défaillance du robot.
Capable d’arbitrer des situations critiques via l’analyse des données qu’elle supportera, la voiture sera susceptible de faire des choix qui, pour un algorithme sont statistiquement le plus justes, mais qui, pour des êtres humains, sont moralement discutables.
Que dire de la voiture autonome qui décide en application d’un algorithme mathématiquement indiscutable de sacrifier son conducteur ou un passant pour en sauver cinq autres ?
Au contraire, que dire d’un algorithme qui aurait reçu pour instruction de ne jamais sacrifier le conducteur de la voiture, même si cette action a pour conséquence de condamner des dizaines d’autres personnes ?
Au-delà du dilemme éthique, se pose la question de la modification des règles de responsabilité actuelle faisant peser la responsabilité d’un accident sur le conducteur de la voiture responsable du dommage.
Désormais, c’est à la plateforme en charge de l’intelligence artificielle ou au constructeur, agrégateur de la technologie dotée de l’intelligence artificielle, de supporter la responsabilité pleine et entière du dommage.
Les enjeux assurantiels sont énormes, les polices d’assurance sont à mettre à jour et une gouvernance par l’éthique, au niveau européen ou mondial, se doit d’être mise en œuvre.
Par ailleurs, si l’opinion publique est encline à pardonner une erreur humaine, elle ne le sera pas à pardonner une erreur robotique.
Les mécanismes classiques du droit civil basé sur des obligations de moyen ou de résultat seront bouleversés, un robot ne devant jamais tendre à un résultat mais systématiquement l’obtenir.
Enfin, l’autonomie du robot – voiture implique une contractualisation obligatoire d’une police d’assurance.
La victime d’un dommage causé par une voiture autonome devra systématiquement être indemnisée, la seule responsabilité devant être imputée au robot et aux dysfonctionnements de ses fonctions, seules causes de l’accident.
Le monde de demain avec les voitures autonomes sera en réalité un monde encore plus assurantiel, n’en déplaise à certains.
Eve Renaud-Chouraqui
Lexing Droit Propriété industrielle