Alors que la Lune sera bientôt dotée d’un réseau 4G, la connexion Wi-Fi dans les avions est difficile à obtenir (1).
Certaines compagnies aériennes proposent déjà ce service, mais ce dernier souffre souvent d’interruption de connexion et demeure occasionnel et cher. Devant le défi de démocratisation du Wi-Fi dans les avions, la guerre est déclarée entre les opérateurs de satellites Eutelsat et Inmarsat.
Déployer le Wi-Fi n’a pas manqué d’attrait pour ces deux opérateurs, qui ont choisi des voies différentes pour mettre à bien leur projet. Eutelsat voyait réussir le lancement de son satellite géostationnaire il y a près d’un an, mettant en mesure la société de proposer une connexion en vol, dont les capacités seront considérablement améliorées au regard des propositions actuelles, grâce à un système mobile par satellite opérationnel pour 2021. Inmarsat, quant à elle, associée à Deutsche Telekom, a opté pour l’usage d’un système air-sol, combinant liaison satellitaire et réseau terrestre, baptisé EAN (European Aviation Network), potentiellement accessible dès l’été 2018.
Le réseau EAN pour assurer le Wi-Fi dans les avions
Le réseau EAN, visant à garantir un accès Wi-Fi dans les avions, sera le premier mondial à associer la technologie satellitaire à la technologie 4G LTE afin de fournir une connectivité à une trentaine d’Etats européens. Ce projet promet une connexion aérienne haut débit fiable, à large bande, équivalente à celle dont les passagers pourraient bénéficier au sol.
Le système hybride d’Inmarsat et Deutsche Telekom est conçu pour être intelligent et opter, selon le vol, pour un usage du satellite ou du réseau terrestre.
Toutefois, devant l’imminence de la mise en place du système d’Inmarsat, son concurrent direct Eutelsat a ouvert différents recours contre l’opérateur britannique, invoquant un détournement des finalités des licences octroyées.
Un détournement de finalité dans l’exploitation des fréquences
Le 25 avril 2018, Eutelsat a déposé un recours devant le Conseil d’Etat, demandant l’annulation de l’autorisation d’exploitation des fréquences, délivrée à Inmarsat par l’Arcep (2). Si l’opérateur britannique dénonce une requête sans fondement destinée uniquement à ralentir le déploiement du réseau EAN, les arguments d’Eutelsat disposent, cependant, d’une assise juridique liée au régime d’utilisation des fréquences.
L’autorisation d’exploitation des fréquences dont fait usage Inmarsat pour le déploiement du Wi-Fi dans les avions est issue de la Commission européenne qui avait pour projet, en 2009, d’assurer des services mobiles, grâce à des liaisons satellitaires, dans toute l’Europe, y compris dans les zones rurales. La procédure d’attribution des licences d’exploitation des fréquences se voulait alors commune à l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne et offrait un droit d’exploitation sur 18 ans.
Or, Eutelsat invoque un retard dans l’exécution de cette mission (3) et, surtout, revendique un détournement de l’usage fait de ces fréquences, qui devaient servir à réduire largement la fracture numérique encore présente en Europe. Initialement destinées à la mise en place d’une connexion dans les zones rurales (Internet mobile, télévision mobile, communications d’urgence…), ces fréquences se voient finalement desservir l’espace aérien et les passagers des vols commerciaux.
Les fréquences étant considérées comme une ressource rare, elles appartiennent au domaine public et les autorisations d’exploitation sont délivrées par les administrations nationales. Lors de l’examen des demandes d’exploitation, une place essentielle est accordée à la question de l’usage du spectre et donc des finalités d’exploitation. Un détournement de ces dernières serait donc potentiellement en mesure de remettre en cause l’autorisation délivrée.
Par ailleurs, les antennes au sol devaient initialement servir de relais accessoire à l’infrastructure satellitaire, alors qu’elles pourraient finalement fournir l’intégralité du service, ce qui entrerait alors en contradiction, selon Eutelsat, avec la définition de la fourniture de services mobiles par satellites.
Un recours démultiplié
L’autorisation d’exploitation des licences ayant été initiée par la Commission européenne, les revendications quant à l’usage qui en est fait ne se limitent pas aux frontières de l’Etat français.
Un recours similaire avait, ainsi, été porté devant les autorités belges, mais surtout devant la Cour de justice de l’Union européenne, lors d’une plainte d’avril 2017 (4). Les tentatives de lutte contre le système EAN d’Inmarsat sont donc multiples et peuvent potentiellement naître au sein de chaque Etat membre, Eutelsat cherchant à avoir gain de cause tant à l’échelle nationale que régionale.
Quelle que soit l’issue du litige, l’écho du développement du Wi-Fi dans les avions semble s’entendre jusqu’aux frontières de l’espace…
Frederic Forster
Johanna Chauvin
Lexing Constructeurs informatique et télécoms
(1) Sur ce point lire l’article «Un réseau 4G sur le Lune : un nouveau pari» post du 14-6-2018.
(2) Autorisation de l’Arcep délivrée à Inmarsat Ventures Limited d’exploiter des éléments terrestres complémentaires d’un système mobile par satellite.
(3) Sébastien Dumoulin, «Wi-fi dans les avions : Eutelsat porte l’affaire devant le Conseil d’Etat», Les Echos, 26 avril 2018 (accès réservé aux abonnés).
(4) A ce titre lire l’article «Licence MSS : le détournement du marché du Wifi dans les avions» post du 19-9-2017.