Surfer dans les airs est désormais une réalité avec l’offre d’accès au Wi-Fi développée par les compagnies aériennes. Cette offre permet de répondre à une demande de plus en plus forte des passagers de pouvoir rester connectés pendant les longues heures souvent induites par les voyages en avion.
La mise en place d’une connectivité Wi-Fi dans un avion n’est cependant pas chose aisée, pas plus sur le plan technique que sur le plan juridique ou de la sécurité aérienne.
Ainsi, sur le plan technique, cette connectivité suppose que l’avion soit relié au réseau internet par des antennes, installées soit sur le dos des avions soit sur leur ventre. Ces antennes doivent être correctement intégrées au fuselage, afin de réduire le plus possible leur trainée et avoir un impact le plus réduit possible sur la consommation de carburant des appareils. A l’heure où les compagnies chassent le moindre kilogramme, depuis le poids des couverts, en passant par celui des sièges ou des matériaux composant l’avion lui-même, pas question de rendre sa pénétration dans l’air moins efficace à cause d’antennes supplémentaires.
Cette intégration suppose également que ces antennes soient positionnées de manière à ne pas créer d’interférences avec celles installées pour les besoins de la navigation et du positionnement de l’avion dans l’espace, ou encore celles nécessaires aux communications radio entre l’équipage et les centres de supervision de la circulation aérienne ou encore avec la compagnie elle-même, qui doit pouvoir localiser précisément ses appareils et pouvoir entrer en contact avec eux si besoin.
Force est cependant de constater qu’au-delà des aspects purement commerciaux, les compagnies ont commencé à doter leurs équipages de moyens informatiques de plus en plus élaborés, grâce aux tablettes tactiles connectées et mises à jour en quasi temps réel, notamment pour ce qui touche à la navigation aérienne ou aux conditions météorologiques en route, tant dans les airs qu’au sol. Finie l’époque où les équipages emportaient l’ensemble des cartes papier nécessaires au bon déroulement de leur vol ou pour se diriger correctement dans les méandres des voies de circulation et de parking des aéroports.
S’éloigne également de plus en plus l’époque où les check lists et les instructions en cas de panne étaient décrites dans des classeurs papier, lourds et coûteux à mettre à jour. Les tablettes connectées sont passées par là et cette connectivité leur est donc tout aussi nécessaire, au sol comme en plein vol, qu’elle l’est pour les clients commerciaux.
Le corollaire de l’accès à internet en avion, par réseau Wi-Fi ou autre, est qu’un ensemble de nouvelles infrastructures doivent être déployées, tant à l’intérieur même des avions, pour que les accès à internet puissent être routés et acheminés depuis et vers les antennes extérieures installées sur la cellule de l’avion, mais aussi au sol et dans l’espace, pour relayer les flux de communication.
De nombreuses problématiques se posent dès lors, qui mêlent des aspects techniques, des aspects juridiques et réglementaires ainsi que des aspects économiques et sécuritaires.
Problématiques techniques. A titre d’exemple des problématiques techniques posées par les communications entre les avions et le sol, auxquelles n’échappe pas le Wi-Fi installé à bord, se posent des problématiques liées au trajet parcouru par un avion dès lors qu’il s’agit de pouvoir assurer la réception et l’émission d’un signal radioélectrique sans interruption, quelle que soit la position géographique de l’avion.
Ainsi, l’utilisation seule d’antennes terrestres pour relayer le signal n’est pas suffisante lorsqu’un avion survole, par exemple, l’espace maritime ou une zone désertique, sans infrastructures déjà déployées au sol.
A l’inverse, l’utilisation seule des satellites géostationnaires engendre un coût non négligeable pour les compagnies aériennes, la location d’un transpondeur étant très onéreuse et un seul transpondeur sur un seul satellite ne suffisant pas à couvrir l’ensemble du globe.
Problématiques réglementaires. Là encore, à titre d’exemple des problématiques réglementaires posées par l’installation et l’utilisation du Wi-Fi dans les avions, on peut citer :
- l’obligation souvent encore imposée par les compagnies aériennes de mettre tout appareil électronique en mode avion, non seulement pendant les phases critiques du décollage et de l’atterrissage (généralement jusqu’à une altitude de 10 000 pieds, soit environ 3 000 mètres), mais aussi pendant le vol lui-même, alors que cette obligation a été supprimée par l’AESA (Agence Européenne pour la Sécurité Aérienne (1)) le 26 septembre 2014 ;
- pendant un vol international, le territoire de plusieurs Etats va être survolé ; dès lors, la compagnie aérienne doit-elle obtenir une autorisation dans chacun de ces Etats pour l’utilisation des infrastructures radioélectriques terrestres que ses avions vont utiliser au cours du survol ?
- quels statut et obligations les compagnies aériennes adoptent-elles au regard de la réglementation des communications électroniques ? Doit-on les considérer comme des opérateurs de communications électroniques à raison du service qu’elles offrent dans leurs avions, comme des fournisseurs d’accès à internet, ou sont-elles soumises à un autre statut, tel que celui qui a été mis en place pour les opérateurs qui offrent la possibilité de se connecter à internet de manière accessoire à leur activité principale (hôtels, halls de gare, aéroports etc.) ?
- quel est le droit applicable aux conditions d’utilisation du Wi-Fi (par exemple : contenus librement accessibles ou, au contraire, restrictions d’accès comme c’est le cas dans certains pays qui interdisent de consulter certains contenus) ? Doit-on alors tenir compte de la nationalité de l’avion ou du droit applicable dans le territoire survolé par l’avion ? Dans ce dernier cas, comment expliquer cela aux passagers qui, selon l’endroit du monde qu’ils survolent, auront accès à des niveaux de qualité de service différents ou à des contenus différents ?
Problématiques économiques et sécuritaires. Les contraintes économiques vont principalement dépendre des technologies utilisées pour l’accès au Wi-Fi et de la question de la rentabilité, pour les compagnies aériennes, de proposer ce service d’accès au Wi-Fi rapportée aux contraintes techniques et juridiques qui lui sont associées.
Enfin, sur le plan des contraintes sécuritaires, deux problématiques se posent principalement :
- offrir un accès Wi-Fi aux passagers d’un avion augmente-t-il les risques de piratage des appareils électroniques des cockpits, voire de prise de contrôle à distance de l’avion, comme cette hypothèse a pu être évoquée dans le cadre de la disparition en plein vol, et sans explication à ce jour, du vol MH 370 de la Malaysia Airlines, entre Kuala Lumpur et Beijing ?
- existe-il un risque de « sniffing » des échanges numériques, c’est-à-dire de captation, à distance, des communications échangées entre les internautes au sol et les passagers ?
C’est à ce voyage que nous vous proposons de participer au travers d’une série d’articles que nous allons publier dans les semaines qui viennent et qui aborderont chacune de ces problématiques.
Frédéric Forster
Lexing Droit télécoms
(1) Site de l’AESA.